L’enseignant, un chef d’orchestre

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L’enseignant, un chef d’orchestre

Publié le 19 septembre 2018

Et si l’enseignement évoluait vers une partition collective, comme dans le jazz Band?  Chaque participant est invité à  jouer un rôle et devient auteur de la progression d’une œuvre. Alors, bouleversons la prépondérance du cours magistral où l’apprenant doit régulièrement écouter et prendre des notes, modifions le culte de la connaissance. Passons d’une démarche déductive et abstraite qui manque d’ouverture vers une démarche active, créative et collaborative  qui propose de diversifier les apprentissages.

Notre réflexion ne vient pas en contre point de la pédagogie traditionnelle. Elle s’inscrit dans le cadre d’une transformation du contexte sociétal et scolaire et aux difficultés récurrentes énoncées dans les apprentissages à tous les niveaux (primaire, collège, lycée et universitaire). Comme le dit J. Houssaye, le « vernis de modernité » n’apporte pas une réflexion fondamentale sur la relation pédagogique : « ses innovations en trompe-l’œil, sa technologie à base de tests et de matériel pédagogique (de la télévision à internet et au tableau interactif, en passant par le vidéoprojecteur…) ne font que renforcer la pédagogie traditionnelle en lui donnant un vernis de modernité et en corrigeant, à la marge, ses inconvénients les plus visibles » (Houssaye, 2014)[1].

Les évolutions de l’environnement impliquent de nouvelles postures qui réinterrogent l’identité professionnelle de l’enseignant. Pour mieux comprendre cette mutation, sortons du cadre éducatif pour repérer les résonances signifiantes entre l’orchestration musicale et l’activité pédagogique. Produire une œuvre collective dans un Jazz Band, c’est quitter momentanément la posture d’autorité vers une posture d’orchestration laissant place à l’improvisation.

La posture d’orchestration, une nouvelle posture

La métaphore de l’enseignant vu comme chef d’orchestre[2] permet de faire des liens entre ces deux secteurs artistique et éducatif. Elle permet d’ouvrir à de nouveaux horizons et de prendre le temps de diverger avant de converger pour une transformation possible des rôles. Le rendu d’un travail de groupe peut correspondre à la création d’une œuvre collective dont l’expression de tous génère une dynamique motivante. Il s’agit de jouer une œuvre pour susciter l’envie d’apprendre.

Etablissons des parallèles entre les finalités communes du chef d’orchestre et de l’enseignant. Ils travaillent dans le temps. Ils encadrent une œuvre collective avec une diversité de partitions (thèmes) et des musiciens (apprenants), l’importance du rythme dans l’art de gérer un groupe, la nécessité de mettre en correspondance les actions et les besoins individuels et collectifs. Etre à l’écoute pour évoluer dans une dynamique action/réaction où l’attention portée à l’action de l’un entraine une réaction des membres du groupe. On parlera de « Faire un bœuf » pour le plus grand plaisir des joueurs et des auditeurs.

En communauté apprenante, l’enseignant demeure un référent qui perd l’image unique du sachant. Il peut apprendre aussi du groupe, avec les utilisateurs réguliers des outils ou suite à l’approfondissement d’une thématique. L’enseignant ou le formateur, en pratiquant par exemple les cours inversés, jouera une nouvelle partition. Au delà de la posture d’animation qui correspond au temps de face à face, la posture d’orchestration inclus et croise le présentiel et l’apprentissage à distance.

La posture d’orchestration intègre plusieurs axes pour construire un module collaboratif :

  • Une approche en mode projet co-élaboratif.
  • Une vision globale du dispositif selon les finalités souhaitées.
  • Une ouverture interprofessionnelle avec les acteurs associés à la mise en œuvre du projet éducatif.
  • Une démarche exploratoire avec une dynamique créative,  pour s’ouvrir à d’autres champs.
  • Une démarche flexible visant la diversité des parcours d’apprentissage et la performance collective et individuelle.
  • Une gestion du temps et des espaces, en lien avec des modes de collaboration à distance et en présentiel.
  • Un développement d’outils pour transformer les réseaux sociaux en communautés apprenantes.
  • Une mise en place d’outils de traçabilité pour entretenir le travail co-élaboratif .
  • Une réflexion sur la dynamique socio-cognitive du groupe, intégrant progression et diversité des échanges de la confrontation à la réflexivité.
  • Une ré-interrogation des modalités d’évaluation.

Dans la posture d’orchestration, nous quittons la verticalité pour laisser place à l’horizontalité. Le jeune gagnera en autonomie, en engagement citoyen dans une micro-société d’apprentissage.

Dans les séminaires de codesign, nous avons expérimenté cette nouvelle démarche. Cette posture d’orchestration est développée dans notre ouvrage « les postures éducatives, de la relation interpersonnelle à la communauté apprenante » G.Le Bouêdec, T. Lavenier & L. Pasquier. L’Harmattan (2016).

 

[1] Houssaye J. (2014) La Pédagogie traditionnelle. Une histoire de la pédagogie. Suivi de « Petite histoire des savoirs sur l’éducation » Éditions Fabert, Collection « Pédagogues du monde entier ».

[2] Métaphore employée par Morin E. cf.: Morin E. (2015) L’aventure de la méthode. Seuil p. 54